Tout y est. La déclaration commune en 55 points, adoptée par onze États et quatre organisations internationales, dimanche 19 janvier, au sommet de Berlin, prévoit un « cessez-le-feu permanent », le « respect et l’application » de l’embargo sur les armes, la reprise du « processus politique » sous l’égide de l’ONU, la réforme du secteur de sécurité, des réformes économique et financière et le respect du droit humanitaire et des droits de l’homme.

Présents à Berlin, les deux protagonistes du conflit, Fayez Al Sarraj, chef du gouvernement d’union nationale (GNA) basé à Tripoli et Khalifa Haftar, l’homme fort de l’est libyen basé à Benghazi, ne se sont pas rencontrés et n’ont pas signé ce document, mais ils n’ont rien fait pour s’y opposer. « Un petit pas en avant » a commenté la chancelière Angela Merkel, satisfaite de pouvoir entretenir une lueur d’espoir pour le règlement d’une crise vieille de bientôt neuf ans.

Ni calendrier, ni sanctions

Reste à savoir si les engagements pris seront tenus, à commencer par la transformation de la trêve, instaurée depuis le 13 janvier, sous la pression de la Russie et de la Turquie, en cessez-le-feu et par le respect de l’embargo sur les armes.

Le texte adopté à Berlin ne fixe pas de calendrier pour une cessation des hostilités et ne prévoit pas de sanctions en cas de violation de l’embargo. « Les Émirats-Arabes-Unis, l’Égypte, l’Arabie saoudite et la France, principaux soutiens de Haftar avec la Russie, se sont opposés à la création d’un mécanisme de sanctions qui aurait pour effet de geler la situation au détriment du maréchalqui veut entrer dans Tripoli, renverser le GNA et s’imposer comme vainqueur politique » affirme Jalel Harchaoui, chercheur à l’Institut Clingendael.

Une commission militaire mixte pour mettre en œuvre le cessez-le-feu

Seule avancée, – la formation d’une commission militaire mixte, composée de cinq membres nommés par le GNA et de cinq autres désignés par Haftar –, ne pourra pas commencer à travailler sur les modalités d’un cessez-le-feu, tant que les parties belligérantes ne l’auront pas formellement signé. « Il est clair qu’on n’a pas réussi pour l’instant à lancer un dialogue sérieux et stable », a souligné le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov.

Sur le terrain, comme dans un monde parallèle, les deux camps ont profité de l’accalmie dans les combats pour renforcer leurs positions. Dans la capitale libyenne, les forces pro-gouvernementales ont reçu des renforts d’Ankara : des instructeurs militaires turcs, des combattants syriens et l’installation d’un système de défense aérienne et de brouillage. De nouvelles armes ont été livrées à Benghazi.

Emmanuel Macron met en avant « la sécurité et la stabilité du Sahel »

Confrontés au repli américain et à la montée en puissance de la Turquie et de la Russie, parrains potentiels d’un règlement politique, les Européens se sont efforcés de présenter un front uni. Emmanuel Macron s’est néanmoins distingué en dénonçant « l’arrivée de combattants syriens et étrangers dans la ville de Tripoli » et en appelant de ses vœux le rétablissement de « l’ordre » en Libye, en lien avec la « sécurité et la stabilité au Sahel ».

Le président français n’a pas mentionné les mercenaires russes, soudanais et tchadiens, engagés au profit de Khalifa Haftar, et le blocage, samedi 18 janvier, par les forces pro-Haftar, des principaux terminaux pétroliers de l’est de la Libye. Paris continue à soutenir le maréchal,considéré comme un « acteur politique légitime » et le meilleur garant d’unepacification de la Libye.

« Je me suis occupé d’autres conflits dans ma vie et je n’ai jamais vu un fossé aussi grand entre ce que l’on dit et ce que l’on fait, comme je le vois en Libye » affirmait Ghassan Salamé, le très lucide représentant spécial de l’ONU en Libye, dans une interview au quotidien Libération, à la veille du sommet. Depuis la reprise des combats en avril 2019, plus de 280 civils et 2 000 combattants ont été tués et plus de 170 000 habitants ont été déplacés.