Carole Bienaimé-Besse, la nomination au CSA qui fait polémique

Carole Bienaimé-Besse, la nomination au CSA qui fait polémique
CSA ((VINCENT LOISON/SIPA))

La désignation de Carole Bienaimé-Besse par Gérard Larcher au CSA devait être une promenade de santé. Mais une lettre anonyme qui jette le discrédit sur la personne et la gestion de cette productrice au réseau influent trouble le jeu. Réalité ou cabale?

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Carole Bienaimé-Besse a été choisie par Gérard Larcher, président du Sénat, pour siéger au CSA. L'audition de cette productrice par la commission de la culture du Sénat, (qui doit avaliser la nomination à la majorité des 3/5ème) ne devait être qu'une simple formalité. C'était compter sans l'intervention d'un corbeau. Car, à peine le nom de l'impétrante était-il rendu public que plusieurs sénateurs recevaient une missive particulièrement sympathique : une note non signée de deux pages, qui jette le discrédit sur l'intéressée.

Il y est question de "chèques sans provision", "de condamnations dans plusieurs procédures judiciaires", "d'un bilan de société déposé dans le seul but d'éviter de payer des sommes (dues)", d'une "gestion pour le moins non-conforme aux règles, aux usages et aux lois qui régissent la profession", "de zones d'ombre dans le CV". Dans un mémo adressé aux sénateurs, Carole Bienaimé-Besse tente de démonter point par point toutes ces accusations, ainsi que d'autres, mentionnées par "Le Canard Enchaîné". Elle assure que tout est faux. Prévue le 18 janvier, son audition a été reportée au 25. Et se déroulera dans une curieuse atmosphère.

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Si Gérard Larcher a pensé à elle, c'est qu'elle avait postulé, il y a deux ans, lors du précédent renouvellement du CSA. Cette fois, en vertu de l'obligation de parité imposée par la loi, il devait choisir une femme, Claude Bartolone, président de l'Assemblée Nationale désignant, lui, un homme. Et il s'est rendu aux arguments de Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, qui plaidait pour un profil issu du secteur de la création afin de trancher avec les habituels haut-fonctionnaires et journalistes qui peuplent le CSA depuis des années. Carole Bienaimé-Besse a deux autres atouts : elle est jeune (née en 1973) et incarne la diversité. Bref, elle coche pas mal de cases.

Gérard Larcher a-t-il été obnubilé par l'affichage? A-t-il agi avec une certaine légèreté, très "à la française", en la propulsant dans l'arène sans avoir mené l'enquête préalable, qui devrait toujours s'imposer ? S'il avait fait ce minimum syndical, il aurait compris que certains vouent à Carole Bienaimé-Besse une inimitié solide et ancienne  - "Tout ce qui sort aujourd'hui, on me l'avait raconté exactement dans les mêmes termes il y a deux ans", note une professionnelle de l'audiovisuel. Il aurait soit renoncé, soit conclu à une pure calomnie et aurait pu la défendre en connaissance de cause. Au lieu de quoi, il a été pris de court.

Une "cabale hallucinante"

Un certain nombre des soutiens de Carole Bienaimé-Besse s'insurgent. Tandis que, dans l'autre camp, qui cherche à faire échouer sa nomination, on ne reste pas inactif. Ainsi, la productrice influente, Fabienne Servan-Schreiber, interrogé par le site spécialisé "Les Ecrans", y va au bazooka : "Ce qu'il y a dans la note est malheureusement vrai (…). Je suis une citoyenne. J'estime qu'un producteur comme ça ne doit pas être nommé au CSA, à un poste public où elle va contrôler le secteur". "Un profil comme le mien dérange, je ne fais pas partie de ces cercles parisiens qui considèrent qu'ils doivent décider qui doit diriger France Télévisions, Radio France, le CSA, rétorque Carole Bienaimé-Besse à L'Obs. Il faudrait plaire à une petite poignée autoproclamée de chefs de l'audiovisuel. Les Fake news sont relayés. Ils lynchent quelqu'un qui ne leur ressemble pas".

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Se prétendre hors des circuits est un petit peu exagéré, tout de même. Même ses amis parlent moins de ses films, assez peu nombreux, que de ses participations à des commissions, syndicats, etc.. La liste est longue comme les bras et témoigne d'un joli réseau. Sa carrière a croisé Jacques Attali au sein de PlaNet Finance ; elle a travaillé avec la documentariste et future ministre, Yamina Benguigui, au sein d'Elemiah, détenue par Marc Ladreit de Lacharrière ; a été faite chevalier des Arts et Lettres par Frédéric Mitterrand et décorée par Michel Boyon. Elle a été vice-présidente du grand syndicat de producteur, l'Uspa, a siégé à la Procirep et au Cosip, elle est membre du "Comité d'orientation droits des femmes" au CSA, de l' "Association pour les femmes dans les médias" créée par Françoise Laborde, et encore vice-présidente de "L'Association pour la Promotion de l'Audiovisuel" qui organise, chaque année, une grande manifestation avec le Sénat.

Est-ce une "cabale hallucinante", selon les propres termes de Carole Bienaimé-Besse, de gros producteurs qui refusent de voir l'un des huit postes – si enviés - du CSA leur échapper au profit d'une représentante de la production indépendante qui signait en 2015 dans le "Monde" une tribune titrée "Télévision : l'avenir n'appartient pas aux grands groupes" Est-ce un billard à douze bandes ? Ou y a-t-il du vrai dans les accusations ?

Au CSA, on martèle que l'instance ne s'est mêlée de rien et que le dossier est de l'unique responsabilité du Sénat. Lequel a désormais l'ardente obligation de procéder à une nomination irréprochable. Il n'est pas exclu que L'Elysée mette son grain de sel dans cette affaire car la procédure requiert un décret du Président de la République. Ce soir, le CSA organise une petite fête pour le départ de trois sages. Le 26, lors des vœux, les deux petits nouveaux, Jean-François Mary et Carole Bienaimé-Besse devaient être intronisés devant la grande famille de l'audiovisuel. Mais la seconde sera-t-elle là ?

 

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