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Le Maroc révolté après la mort atroce d'un vendeur de poisson

Des milliers de manifestants dans la ville d'Al-Hoceima. FADEL SENNA/AFP

VIDÉO - L'homme a été broyé par une benne à ordures, vendredi, alors qu'il tentait de récupérer sa marchandise confisquée par des agents municipaux. Ce drame a suscité une vague de protestations dans tout le pays à une semaine de l'ouverture à Marrakech de la conférence sur le climat, la COP 22.

L'indignation monte au Maroc. Après la mort d'un vendeur de poisson broyé par une benne à ordures à Al-Hoceima, vendredi, des centaines de lycéens et collégiens se sont rassemblés, lundi matin, dans cette commune du nord du pays. Une nouvelle manifestation s'est déroulée dans la soirée sans incident, réunissant environ 2000 personnes, dont certaines brandissaient des portraits de la victime et des drapeaux berbères.

Mouhcine Fikri, marchand de poisson âgé d'une trentaine d'années, est décédé vendredi soir, dans la région du Rif, alors qu'il tentait de s'opposer à la saisie et à la destruction de sa marchandise. «Le Maroc est en état de choc. La mort affreuse du vendeur de poisson (...) indigne les Marocains», a résumé lundi la presse marocaine. «Qui a écrasé Mouhcine?», s'interrogeaient les journaux, avec en une le cliché de Mouhcine Fikri, gisant inanimé, la tête congestionnée et un bras dépassant du mécanisme de compactage de la benne.

Dimanche, des milliers de personnes ont participé dans le calme à son enterrement, puis se sont rassemblées dans la soirée dans le centre d'Al-Hoceima, cité côtière d'environ 55.000 habitants. «Criminels, assassins», «Arrêtez la hogra (l'arbitraire)», ou encore «Écoute makhzen (palais royal)», pouvait-on entendre dans le cortège, selon l'Agence France-Presse.

Des manifestations de moindre ampleur avaient eu lieu dans plusieurs autres villes du Rif, mais aussi à Casablanca (ouest), Marrakech (centre-ouest) et Rabat, aux cris de «Nous sommes tous Mouhcine», et sur un ton plus politisé.

«Punir les responsables»

Au niveau national, une enquête a été ouverte par le ministère de l'Intérieur dès le lendemain du drame. Dépêché dimanche à Al-Hoceima par le roi Mohammed VI pour tenter de désamorcer la crise, le ministre de l'Intérieur Mohammed Hassad a exprimé «la compassion du souverain à la famille du défunt». Le roi s'est saisi directement du dossier et a donné des instructions «pour qu'une enquête minutieuse et approfondie soit diligentée». «Sa Majesté ne veut pas que ce genre d'accidents se reproduise», a souligné le ministre de l'Intérieur, dimanche soir. Ce dernier a réaffirmé volonté de tout mettre en oeuvre pour «établir les circonstances exactes du drame et en punir les responsables».

Selon le ministre, le marchand de poisson avait refusé d'obtempérer à un barrage de police et avait ensuite été intercepté avec dans sa voiture «une quantité importante d'espadon, interdit à la pêche». «Décision a été prise de détruire la marchandise illégale. Toutes les questions se posent après ça», a-t-il expliqué. Mais «personne n'avait le droit de le traiter ainsi», a déploré Mohammed Hassad, promettant les conclusions de l'enquête d'ici «quelques jours». Un point suscite la polémique en particulier, que traduit sur les réseaux sociaux le hashtag «#broie-le»: un responsable a-t-il ordonné ou volontairement mis en marche le mécanisme de compactage alors que Mouhcine était à l'arrière de la benne? Selon les résultats de l'autopsie, révélés par la presse locale, la mort serait due «à un choc hémorragique suite à une plaie thoracique».

À une semaine de l'ouverture à Marrakech de la conférence internationale sur le climat, la COP22, il y a urgence à éteindre le feu qui couve, alors que le Rif est traditionnellement une région frondeuse, aux relations difficiles avec le pouvoir central. Al-Hoceima a aussi été l'un des principaux foyers de la contestation lors du mouvement du 20-Février, la version marocaine des Printemps arabes en 2011. L'un des éléments déclencheurs de cette révolte avait été le suicide en Tunisie d'un vendeur ambulant qui s'était immolé en réaction à la saisie de sa marchandise.